Quand l’architecture rencontre l’ingénierie : trois étudiants réinventent une librairie patrimoniale

Campus
Publié le 17 oct. 2025
Jean-Adrien Assezat, Anthony Loiseau et Valentin Loiseau se sont vus récompensés par le 1er prix Catégorie Supérieure bac+5 au concours national des Génies de la Construction. Ces étudiants en double cursus architecte/ingénieur, ont uni leurs compétences pour participer. Ensemble, ils ont imaginé un projet de réhabilitation pour un lieu emblématique de Bourg-en-Bresse. À travers cette aventure, ils partagent leur approche croisée de l’architecture et de l’ingénierie, leur réflexion sur la transition énergétique et l’évolution des bâtiments anciens en cœur de ville. Retour sur ce projet collaboratif avec Valentin et Jean-Adrien

Centrale Lyon ENISE : Pour commencer, pouvez-vous nous dire où vous en êtes dans vos parcours d’études ?

Valentin : Je suis le double cursus Architecte / Ingénieur entre l’École d’Architecture de Saint-Étienne (ENSASE) et Centrale Lyon ENISE. A la fin de cette année, il me restera deux ans en ingénierie à Centrale Lyon ENISE. Mon frère, Anthony, est également en 4e année d’un double cursus Architecte / Ingénieur mais entre l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon (ENSA) et l’École Nationale des Travaux Publics de l'État (ENTPE). 

Jean-Adrien : De mon côté, j’ai terminé mon cycle ingénieur à Centrale Lyon ENISE. Je suis actuellement ma formation d’architecture à l’ENSASE. 

Centrale Lyon ENISE : Comment vous êtes vous rencontrés et comment le projet des Génies de la Construction est-il né ?

Valentin : Nous nous sommes rencontrés il y a environ 4 ans, au cours de nos études. Mais nous avons eu l’occasion de travailler ensemble plus récemment au cours des précédents semestres.

Jean-Adrien : Ce sont Valentin et Anthony qui sont ensuite venus vers moi pour me parler du concours des Génies de la Construction, du projet de la librairie et de leur rencontre avec les propriétaires. C’était une opportunité de travailler ensemble sur un projet qui mêle l’architecture et l’ingénierie, discipline dans laquelle j’ai un peu plus d’expérience. 

Valentin : Ce qu’on a essayé de défendre à travers le projet et le concours, c’est justement cette double formation architecte/ingénieur, que nous avons tous les trois. Nous avons la même vision du monde de la construction. Celle de toujours avoir à la fois une dimension architecturale et sensible, et une dimension technique, c’est-à-dire faisabilité économique et technique.

Centrale Lyon ENISE : quelle est la particularité du concours des Génies de la Construction ?

Jean-Adrien : La question de la faisabilité fait partie intégrante du concours des Génies de la Construction. C’est d’ailleurs ce qui a retenu mon attention. La faisabilité est très intéressante, car elle mêle ingénierie et architecture.

Valentin : Avec Anthony, nous avons déjà participé au Trophée Béton cette année. Ce concours est plus tourné vers l’architecture. « Les Génies de la Construction » est un concours de référence dans les écoles d’ingénieurs qui fait davantage appel à l’ingénierie. Mais il tend de plus en plus à valoriser la transversalité des savoirs. Cela se voit dans les profils des différentes équipes qui ont participé.

Centrale Lyon ENISE : Quelle est la genèse du projet que vous avez présenté ?

Valentin : Nous avons travaillé sur une librairie emblématique de Bourg-en-Bresse, la librairie Montbarbon. Elle possède une belle histoire, sur plusieurs générations. En octobre 2024, nous avons rencontré les propriétaires. Ils nous ont parlé de leur volonté de réinvestir le 2ème étage du bâtiment. Il était question d’un espace sous-exploité, de perte de place, mais aussi d’énergie. En janvier 2025, nous avons fait une première visite de terrain tous les trois. Jean-Adrien a pu développer le cahier des charges. Ensuite, nous avons travaillé 3 mois sur le projet avant de le déposer en ligne le 5 mai. 

Jean-Adrien : L’essence du projet a été de réfléchir à une vision de la librairie à horizon 50 ans, avec d’un côté le devenir de la librairie d’un point de vie programmatique, c’est-à-dire ce que veulent les propriétaires, et de l’autre côté le devenir technique par rapport au réchauffement climatique. Nous avons travaillé sur la toiture qui n’était pas isolée. Nous avons trouvé une réponse avec une solution qui supporte la surchauffe en été et laisse entrer assez de lumière l’hiver. Nous avons aussi retravaillé la cour qui permet de faire un recyclage d’air naturel.

Centrale Lyon ENISE : Quelles ont été les problématiques ?

Jean-Adrien : L’aménagement de l’étage a été le point de départ. Nous avons pensé l’ouvrir au public, mais cela représentait beaucoup de travail de réaménagement : dimensionnement des planchers, descentes de poteaux supplémentaires… L’idée a donc été de faire remonter les bureaux du 1er étage vers le 2ème pour libérer de l’espace de commerce. Notre objectif a donc été de réaménager l’ensemble du 2ème étage pour créer un espace de travail pour le personnel. Au premier 1er étage, nous avons récupéré l’espace de bureaux en commençant par rattraper les écarts de niveau au sol.

Centrale Lyon ENISE : Y avait-il des contraintes au niveau du bâtiment ?

Jean-Adrien : Le bâtiment date du 19ème siècle. Il possède des murs en pierre de 60 cm de large, une structure en bois dans les étages, et une toiture mixte : charpente Polonceau en bois et verrière avec charpente en métal.

Valentin : La librairie est un ancien relais de poste. On est donc intervenu sur un bâtiment à forte valeur patrimoniale : façade, mouleurs en pierre, charpente Polonceau… Ce bâtiment est également implanté dans un centre-ville avec des immeubles mitoyens. Nous avons donc aussi pensé notre projet à l’échelle de l’îlot et du centre-ville afin d’améliorer l’ensemble pour les habitants et les usagers de la librairie.

Centrale Lyon ENISE : Poursuivons sur le projet lui-même…

Valentin : Nous avons essayé de restructurer le bâtiment au tour de deux vides : l’atrium sous la verrière, qui est l’axe central des programmes (café littéraire, espace enfants…) et la cour extérieure. Notre projet est fondé sur l’interaction spatiale, thermique et programmatique entre ces 2 vides.

Centrale Lyon ENISE : Selon vous, qu’est-ce qui vous a permis de vous démarquer auprès du jury ?

Jean-Adrien : Je pense que c’est la manière dont nous avons pensé le projet et imaginé une solution complète mêlant architecture, ingénierie et compréhension de l’existant. À partir d’une librairie en centre-ville et d’un bâtiment ancien avec des qualités techniques, nous avons proposé des modifications légères qui répondent aux besoins des propriétaires et aux problématiques environnementales. Notre projet présente des solutions low tech qui intègrent des qualités architecturales et d’ingénierie.

Valentin : Traiter un bâtiment en centre-ville a été l’occasion d’aborder des problématiques très actuelles de la ville en premier lieu la surchauffe et les îlots de chaleurs. Ensuite, il y a aussi la densité. Investir le dernier étage est une manière d’agrandir la librairie à la verticale.

Centrale Lyon ENISE : Comment avez-vous fonctionné tous les trois ?

Jean-Adrien : Anthony a travaillé sur une maquette BIM en 3D. Valentin a dessiné le plan et les coupes sur ordinateur. Cela nous a donné une bonne compréhension de l’existant. Ensuite, j’ai développé une maquette structure pour comprendre le bâtiment et intégrer les nouvelles charges d’exploitation liées aux modifications sur la toiture. En parallèle, j’ai réalisé une étude thermique et une maquette thermique.

Valentin : Nous avons bénéficié des connaissances de Jean-Adrien qui a de l’avance sur nous dans le cursus. Nous avons par exemple pu justifier nos choix architecturaux grâce à son expertise en ingénierie. 

Jean-Adrien : De mon côté, j’ai vraiment bénéficié des représentations graphiques et de leur manière de lier architecture et ingénierie.

Centrale Lyon ENISE : Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?

Valentin : Je pense que tous les trois nous considérons notre master comme l’occasion de nous ouvrir, de sortir des projets scolaires et de rencontrer des professionnels. Nous voulions saisir cette opportunité, tester nos compétences et nous confronter au réel.

Jean-Adrien : Pour ma part aussi, j’ai apprécié rencontrer des professionnels avec des parcours très différents. Nous avons reçu des retours différents de ceux que nous recevons à l’école. LE défi était de se confronter au monde professionnel dans lequel nous évoluerons dans quelque temps : les délais, la relation avec les maîtres d’ouvrages… Défi réussi ! 

1er Prix des Génies de la Construction 2025 - Catégorie Bac+5